L'exposition universelle
Mais à la Belle Époque, cela semblait poser moins de questions que cela n'en poserait à présent. Le succès fut au rendez-vous des 8 ans de préparation, en 7 mois d'ouverture au public une cinquantaine de millions de visiteurs s'y pressèrent. Pour la suite, Paris y gagna la disparition de vieux quartiers, de nouveaux bâtiments comme les Petit et Grand Palais, de nouvelles voies de circulation, la rénovation des grandes gares, de nouvelles passerelles sur la Seine, etc..
Le Vieux Paris sur un hectare en bord de Seine
L'idée était originale. En opposition avec les pavillons montrant les dernières prouesses techniques, l'attraction du "Vieux Paris" avait pour but de permettre aux visiteurs de flâner dans l'environnement visuel d'une époque révolue avec des reconstitutions de bâtiments parisiens disparus, médiévaux pour la plus grande part.L'attraction fut entièrement financée sur fonds privés.
Elle disposait pour son installation d'une étroite bande de terrain de 260m de long sur 30m de large en bord de Seine, sur le secteur compris entre le Pont de l'Alma et la passerelle Debilly.
Pour prendre en compte les immeubles voisins, une part importante de la surface fut gagnée sur la Seine au moyen d'une plateforme sur pilotis créée pour la circonstance. Les travaux de montage de l'ensemble durèrent 18 mois et furent, en eux même, une attraction parisienne très courue.
Les bâtiments recréés
Vingt-six bâtiments ou édifices étaient évoqués dans cette reconstitution sur une superficie d'un hectare, ce qui ne laissait pas beaucoup de place à chacun.La plupart des bâtiments ayant disparu depuis quelques siècles pour certains, la vérité historique ne se basait que sur la reconstitution à partir de quelques images anciennes. Mais, mis à part les puristes fatalement insatisfaits, les visiteurs y trouvèrent le plaisir et le dépaysement attendus.
Quelques demeures sont évoquées ici, mais une visite complète s'impose (lecture ou vidéo) par les liens indiqués en fin d'article dans la rubrique "pour en savoir plus".
L'entrée principale, à proximité du Pont de l'Alma, était une reconstitution de la Porte Saint-Michel. Celle-ci faisait initialement partie de l'enceinte de Philippe-Auguste approximativement au croisement de l'actuel boulevard Saint-Michel et de la rue Soufflot.
Une fois passée la poterne, les visiteurs arrivaient sur la place du Pré-aux-clercs. Celle-ci était dominée par une des tours de la forteresse du Louvre, haute d'une quarantaine de mètres, à côté du pignon de la Maison aux piliers, l'ancien hôtel des riches marchands de l'eau, remplacé au 16ème siècle par l'actuel hôtel de ville.
A partir de la place du Pré-aux-clercs, les visiteurs pouvaient emprunter deux rues parallèles à la Seine, la rue des Remparts et la rue des Vieilles-Écoles.
Si l'on empruntait cette dernière, la flânerie continuait par plusieurs vieilles demeures.
On commençait par le Pavillon-aux-singes, demeure du tapissier Maître Poquelin, père de Molière.
Puis venait la maison que se fit construire en 1407 Nicolas Flamel. Cette maison existe encore de nos jours bien qu'elle ait été fortement modifiée au fil des siècles.
Le Grand Coq venait ensuite, demeure de Théophraste Renaudot, initialement en l'île de la Cité en la rue Calande, elle aussi disparue. C'est en cette demeure qu'en 1631 Renaudot imprima et publia la première gazette de notre histoire.
La tour d'escalier du Collège Fortet existait encore à la fin du 19ème siècle,vestige d'un des nombreux collèges et universités qui fleurissaient au Quartier Latin au 12ème siècle.
La Maison de Robert Estienne qui lui faisait suite rappelait la dynastie de cette famille de libraires parisiens grands éditeurs, imprimeurs et relieurs dès le temps de Charles VIII et Louis XII.
Tout aussi évocateur de l'université estudiantine, la représentation du cabaret de la Pomme-de-Pin, hanté par François Villon, finissait ce groupe de maisons.
Les autres maisons de la rue des Vieilles-Écoles n'étaient pas des maisons de parisiens célèbres; mais étaient reconstituées d'après des dessins et documents du temps.
Bien d'autres bâtiments du Vieux Paris mériteraient d'être cités ici.
Albert Robida et la re-création du Vieux Paris
Pour les visiteurs, l'intérêt du Vieux Paris ne se limitait pas à la déambulation.Le guide de l'attraction comptait 78 commerces installés dans les bâtiments. De quoi garder des souvenirs en tous genres : bijoux, librairie, photographes, antiquités, artisanat, etc... On pouvait aussi s'y divertir, un théâtre était installé dans les vieilles halles d'avant Baltard et la Pomme-de-Pin hébergeait un cabaret chantant.
On avait aussi de quoi se restaurer dignement avec 6 tavernes et une multitude d'échoppes où l'on pouvait trouver chocolats, pâtisseries, cafés, vins et spiritueux.
De nombreux figurants costumés étaient aussi présents pour compléter l'ambiance.
Enfin, pour compléter le tout, la Maison du Grand Coq de Théophraste Renaudot hébergeait une imprimerie et les rédacteurs qui éditèrent, pendant toute la durée de l'exposition, une Gazette du vieux Paris.
La conception d'une telle attraction et sa réalisation impliquait une personnalité présentant une passion évidente pour la période médiévale et un sens artistique indéniable. On ne fit pas appel à un architecte pour piloter le projet, mais à un dessinateur illustrateur.
Albert Robida avait illustré nombre d'ouvrages, Rabelais, Cervantès, Swift, Shakespeare, Villon, Balzac et d'autres. Il était aussi le fondateur de la revue en vogue La caricature. Passionné d’histoire, de Moyen-âge, d’architecture (et aussi d'anticipation), on lui confia le projet fou de reconstituer un voyage dans le Vieux Paris, une petite ville avec ses gardes, ses musiciens, ses chanteurs de rues, ses jongleurs et boutiquiers. Et ce fut une réussite. Son talent d'illustrateur fut largement mis à contribution tant pour l'architecture que pour les mobiliers, costumes et accessoires, et les illustrations du guide du visiteur dont la plupart des images qui illustrent cet article sont extraites.
Pour en savoir plus :
- à lire : le Guide du Vieux Paris (211 pages), guide du visiteur également riche en informations sur l'habitat médiéval de Paris - consultable librement sur Gallica
- vidéo à voir : une visite complète en images de synthèse de l'attraction du Vieux Paris reconstituée en 3D (15mn sur Youtube)
- à consulter : le Vieux Paris d'Albert Robida , un blog consacré au sujet et à l'élaboration de sa reconstitution 3D. Beaucoup de liens vers d'autres sites en relation
- à consulter : Albert Robida .et son blog, un site principalement dédié à son talent d'illustrateur