Il nous faut parcourir les ruelles du vieux Paris pour nous rendre au cabaret de la Pomme-de-Pin évoqué et fréquenté par Villon, Marot, Rabelais, Ronsard, Du Bellay et d'autres. "Prince", excusez du peu.
Une question de santé publique
Le recours pour boire en ville, ce sont les cabarets. Ils servent à boire et quelquefois à manger. A minima, ils servent à l'étal, nous dirions au comptoir, mais bancs et tables peuvent être placés sur la rue, il peut même y avoir une salle.
Au rendez-vous des repues franches
Villon [1] évoque au moins deux fois le "trou de la Pomme-de-Pin" dans son testament [6] en mentionnant, détail qui a son importance, que le lieu est "clos et couvert". Un cabaret avec une salle. Avantage indéniable pour le confort des consommateurs, mais aussi pour la discrétion de ce qui s'y dit et s'y déroule.Rendez-vous des escoliers, des voyous de tout poil et pire, des coquillards du royaume de truandise, il attire aussi tout naturellement les amours vénales des filles de joie. Le Journal d'un bourgeois de Paris ne manque pas de fustiger le prévôt qui ".. supportoit partout les femmes folieuses, dont trop avoit à Paris par sa lascheté".
Ici, c'est la clientèle qui se charge du spectacle : rixes et débordements de tous genres. Pour Villon, après tout, la vie est courte et le gibet de Montfaucon est à portée de vue.
"Buveurs très illustres.."
Rabelais, une cinquantaine d'années après Villon, parle aussi de la "Pomme-de-Pin" . Une atmosphère moins sulfureuse, il s'agit davantage d'un lieu de ripailles et de beuveries joyeuses. Le "Pantagruel" est aussi un guide touristique des lieux appréciables à visiter [2]. A Chinon on ne manquera pas de visiter la "Cave peinte", à Paris, les cabarets les plus fameux sont cités par son escolier lymousin pour "cauponiser ès tabernes méritoires de la Pomme-de-Pin, du Castel, de la Madelaine et de la Mule".
Au fil des siècles, nombre de témoignages de la fréquentation du lieu vont se succéder. Le Nouvelliste [3] de 1853, quotidien politique et littéraire, le décrit encore très actif sous le Régent et sous Louis XV, visité par seigneurs et gentilshommes. Toutefois la vogue du cabaret va décroitre avec l'apparition d'un nouveau style d'établissements à la mode : les cafés.
"Dictes moy ou, n'en quel pays.."
Si l'on essaye de localiser le cabaret de la Pomme-de-Pin, les choses se compliquent.
Certains auteurs situent le cabaret rue Troussevache (actuellement Rue La Reynie) non loin du Cimetière des Innocents, précisant que l'enseigne de la Pomme-de-Pin existait encore au 17ème siècle.
Une localisation sur la rive droite ? pourquoi pas ? Le quartier est mal réputé à souhait, non loin de celui où Victor Hugo plaçait, avec fantaisie, la Cour des Miracles dans "Notre-Dame de Paris".
Pas de référence bibliographique pour cette localisation, il est difficile d'en apprécier la justesse.
En revanche, plusieurs sources situent ce fameux cabaret à la tête du Pont Notre-Dame. Voir les liens : [1]-page 380, [2]-page 304, [4]-page 110, [5]-page 7.
Pour s'y rendre, il fallait emprunter le grand axe nord-sud de Paris qui traverse l'ile de la Cité de part en part, par le Petit-Pont, la Rue de la Juiverie et conduisait à la Planche de Mibrai qui deviendra plus tard le Pont Notre-Dame.
Venant du Quartier Latin sur la rive gauche, on franchissait la poterne de la forteresse du Petit Châtelet qui défendait l'accès au Petit Pont, on traversait celui-ci entre ses deux rangées de maisons et on parvenait alors sur l'île de la Cité par la Place du Marché Palu (le bien nommé - les marchands parisiens se plaignaient du lieu, marécageux après chaque pluie). Au bout de cette petite place commençait la Rue de Juiverie (aujourd'hui, Rue de la Cité).
Si le cabaret tenait enseigne sur cette rue principale et très passante, il était réputé disposer de deux autres sorties, sans doute plus discrètes, à l'arrière ([1]-page 380), dans la rue aux Fèves (disparue en 1867 lors de la construction de la future Préfecture de Police).
Cette ruelle, discrète, mal famée et coupe-gorge, avait encore sa largeur médiévale au 19ème siècle avant sa disparition.
Le soir, à l'époque de Villon, une fois que le son du cor avait retenti du haut de la tour du Grand Châtelet, c'était le couvre-feu : plus personne dans les rues hormis les rondes du guet et les portes de la ville étaient closes.
Le cabaret, situé hors des murs d'enceinte (contrescarpe = bord extérieur du fossé d'un rempart) au-delà de la porte Bordelle, pouvait être un lieu risqué s'il fallait retourner en ville à temps mais ce pouvait être un lieu idéal pour y passer une soirée prolongée en bonne compagnie, et la nuit, hors des contraintes du couvre-feu. L'endroit devait être un tournebride, forme d'auberge de passage sur la route du sud-est.
Là, avaient l'habitude de se réunir au 16ème siècle les membres de la Pléiade, également habitués de l'autre enseigne de la Pomme-de-Pin, celle de la Cité : Ronsard, Joachim du Bellay, Rémi Belleau, Jodelle,..
La question n'est pas si importante, après tout. Il nous reste Villon, Rabelais et les autres. Et pourquoi ne pas adjoindre Brassens à cette belle assemblée, lui qui fréquenta aussi la Pomme-de-Pin dans sa chanson "le moyennageux" avec quelques siècles de retard :
Ah! que n’ai-je vécu, bon sang!Certains auteurs situent le cabaret rue Troussevache (actuellement Rue La Reynie) non loin du Cimetière des Innocents, précisant que l'enseigne de la Pomme-de-Pin existait encore au 17ème siècle.
Une localisation sur la rive droite ? pourquoi pas ? Le quartier est mal réputé à souhait, non loin de celui où Victor Hugo plaçait, avec fantaisie, la Cour des Miracles dans "Notre-Dame de Paris".
Pas de référence bibliographique pour cette localisation, il est difficile d'en apprécier la justesse.
En revanche, plusieurs sources situent ce fameux cabaret à la tête du Pont Notre-Dame. Voir les liens : [1]-page 380, [2]-page 304, [4]-page 110, [5]-page 7.
Venant du Quartier Latin sur la rive gauche, on franchissait la poterne de la forteresse du Petit Châtelet qui défendait l'accès au Petit Pont, on traversait celui-ci entre ses deux rangées de maisons et on parvenait alors sur l'île de la Cité par la Place du Marché Palu (le bien nommé - les marchands parisiens se plaignaient du lieu, marécageux après chaque pluie). Au bout de cette petite place commençait la Rue de Juiverie (aujourd'hui, Rue de la Cité).
Si le cabaret tenait enseigne sur cette rue principale et très passante, il était réputé disposer de deux autres sorties, sans doute plus discrètes, à l'arrière ([1]-page 380), dans la rue aux Fèves (disparue en 1867 lors de la construction de la future Préfecture de Police).
Cette ruelle, discrète, mal famée et coupe-gorge, avait encore sa largeur médiévale au 19ème siècle avant sa disparition.
Une pléiade de clients
Au 19ème siècle, des travaux de réaménagement du quartier en haut de la Rue Mouffetard ont causé la disparition d'un autre cabaret de la Pomme-de-Pin qui s'y trouvait depuis le 12ème siècle. Son souvenir est encore rappelé sur une maison voisine Place de la Contrescarpe (cf. revue "Le nouvelliste" de juillet 1853 [3]).Le soir, à l'époque de Villon, une fois que le son du cor avait retenti du haut de la tour du Grand Châtelet, c'était le couvre-feu : plus personne dans les rues hormis les rondes du guet et les portes de la ville étaient closes.
Le cabaret, situé hors des murs d'enceinte (contrescarpe = bord extérieur du fossé d'un rempart) au-delà de la porte Bordelle, pouvait être un lieu risqué s'il fallait retourner en ville à temps mais ce pouvait être un lieu idéal pour y passer une soirée prolongée en bonne compagnie, et la nuit, hors des contraintes du couvre-feu. L'endroit devait être un tournebride, forme d'auberge de passage sur la route du sud-est.
Là, avaient l'habitude de se réunir au 16ème siècle les membres de la Pléiade, également habitués de l'autre enseigne de la Pomme-de-Pin, celle de la Cité : Ronsard, Joachim du Bellay, Rémi Belleau, Jodelle,..
Envoi
Au terme de cette balade, devant la diversité des sources, la solution qui pourrait les rendre compatibles est de supposer qu'il y eut plusieurs cabarets de la "Pomme-de-Pin" et que, pour tout arranger, ils ont pu être fréquentés par les mêmes personnes.La question n'est pas si importante, après tout. Il nous reste Villon, Rabelais et les autres. Et pourquoi ne pas adjoindre Brassens à cette belle assemblée, lui qui fréquenta aussi la Pomme-de-Pin dans sa chanson "le moyennageux" avec quelques siècles de retard :
Entre quatorze et quinze cent.
J’aurais retrouvé mes copains
Au Trou de la Pomme de Pin,
Tous les beaux parleurs de jargon,
Tous les promis de Montfaucon,
Les plus illustres seigneuries
Du royaum’ de truanderie
Pour en savoir plus :
- [1] - La Revue des Deux Mondes - article sur François Villon par Marcel Schow -1892-tome 112 (pages 381 à 418)
- [2] - Histoire des hôtelleries et des cabarets par Francisque Michel - 1859 - sur Gallica
- [3] - Article du Nouvelliste sur la Pomme-de-Pin - 1853 - sur Gallica
- [4] - Chroniques et légendes des rues de Paris par Edouard Fournier - 1864 - sur Gallica
- [5] - Discours véritable de deux artisans de Paris - 1615 - sur Gallica
- [6] - Le lais de François Villon - strophe XX
- Les cartes figurant dans cet article sont :
- celle de Truschet et Hoyaux: pour la rue Troussevache et laPorte Bordelle
- celle du Dit de Guillot de Paris: pour l'île de la Cité